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La croisée des regards

Salut ! Aujourd'hui je vous fait découvrir un début de chapitre d'une new-romance. J'espère que ça vous plaira, n'hésitez pas à me donner vos avis/conseils ;)

Alors que je descends de la voiture de ma mère, j’aperçois la foule immense constituée pour la plupart d’adolescents de mon âge qui se bousculent, crient, rigolent… Mon cœur s’emballe et ma mère le sent immédiatement.

- Tout va bien Dona, ils ne vont rien te faire, ce sont juste des adolescents comme toi.

- Oui, à l’exception qu’eux sont sociables et n’ont pas peur des autres… je rajoute en soupirant.

Ma mère me sourit, de son sourire qui me fait retomber en enfance quand je me blottissais dans ses bras devant un film et qu’elle souriait dès que je m'émerveillais devant les princesses disney. Son sourire suffit à calmer mes angoisses et je fais claquer une bise sur sa joue avant de refermer la portière. Je l’entends me souhaiter bonne chance tandis que je me dirige vers mon nouveau lycée que je préfère appeler “l’enfermoir”. J’essaie de faire ce que ma psy m’a conseillé : fais semblant d’avoir confiance en toi et ça le deviendra. Ça ne marche jamais mais j’ai toujours espoir que ça marche la fois suivante.

C’est donc le sourire aux lèvres et la démarche plus ou moins assurée que je déambule entre mes futurs camarades. En les observant, avec discrétion j’espère, j’ai la confirmation qu’ils sont tous heureux et qu’ils ne stressent pas du tout. Enfin non, je rectifie : ils ont l’air confiants et heureux. Peut-être qu’au fond ils sont comme moi mais qu’eux, arrivent mieux à cacher leurs émotions.

Alors que je m’engouffre dans un couloir où règne une terrible odeur de transpiration mêlée à l’odeur âcre de tabac froid, je remarque un attroupement d’élèves qui bloquent le passage vers ma salle d’arts plastiques. J’essaie en vain de me frayer un passage à travers cette masse compacte mais visiblement, mon « s’il vous plaît, vous pouvez me laissez passer ? » n’impose pas le respect. Alors je rechigne et reste à l’arrière des élèves en me mettant sur la pointe des pieds. Qu’est ce qui peut les retenir dès le premier jour de la rentrée ? J’ai rapidement ma réponse.

Une fille, qui doit elle aussi être en terminale, se tient au centre de la foule qui l’entoure. Ou plutôt, se tient à l’envers ! Elle est debout sur les mains, et quand je me déplace un peu, j’aperçois deux autres filles et un garçon qui font aussi l’arbre droit, encouragés par la foule en délire, digne des supporters de football acclamant avec folie leurs stars du ballon préférée. Visiblement il s’agit d’un concours, les élèves clament des noms, pariant sur qui va tenir le plus longtemps. Mais bon sang, il n’y a aucun prof qui entend ce vacarme ? Ou alors ils ne veulent pas intervenir ? Je ne comprends pas, c’est habituel ce genre de spectacle ? C’est autorisé ?

Je réussis à me faufiler à travers les gens et alors que je m’apprête à tracer pour atteindre ma salle, je me rends compte que je serai incapable d’affronter le regard des gens si je pénètre dans le cercle des quatre lycéens. Alors, sans vraiment avoir le choix, je reste à ma place, tout près des 4 jeunes qui se donnent en spectacle. Eux, c’est sûr qu’ils sont bel et bien confiants ! Dans ce brouhaha, je retiens les noms des quatre acrobates : Gabriel, Sophia, Alexine et Ayleen. Ce dernier nom est d’ailleurs crié plus fort que les autres. Alors laquelle est Ayleen ? Encore une fois, j’ai très rapidement ma réponse. Une des deux filles, la plus petite, ne tient plus et retombe sur ses pieds. La blonde qui titubait légèrement la suit de près et il ne reste donc plus que la fille aux cheveux chocolat et le garçon. Cette fois, le public entier scande en chœur un seul nom : Ayleen. La dernière fille, donc.

L’intéressée sourit et tente le diable en ôtant une de ses mains du sol. Alors que je la vois tenir en équilibre sur une seule main, je retiens mes craintes et mes angoisses. Elle pourrait se faire très mal, une mauvaise chute arrive vite… est ce que si elle tombe j’aurais le temps de la rattraper ? Comme si Ayleen avait lu mes pensées, elle titube et je la vois perdre l’équilibre. Instinctivement, je bondis vers elle et passe mes bras autour de ses jambes pour l’empêcher de tomber. Mais visiblement, ça n’a pas suffit car elle tombe quand même… sur moi.

Je me retrouve assise par terre, une de ses jambes entre les miennes, son corps pressé contre le mien. Son regard brûlant plonge dans le mien et je sens sa vivacité me brûler la rétine. Brutalement, un peu trop peut-être, je la repousse et me hate de me relever. J’aurais juré voir de la fumée sortir de ses narines, tant elle était en colère.

- Mais tu es folle ! J’étais en train de gagner ce putain de concours, pourquoi tu m’as fait tomber idiote ?

- Je t’ai fait tomber ? Moi ? Je t’ai justement empêché de tomber, tu titubait j’ai voulu t’ai…

Elle se tourne vers tout le monde en levant les bras. Il n’y a pas de doute, cette fille est parfaitement à l’aise parmi tout ce monde, et elle en joue. Ça ne me plaît pas du tout…

- Vous entendez ? Elle a cru que je titubais ! Clame-t-elle, puis elle se tourne vers moi. T’es nouvelle toi, non ?

Je hoche la tête et elle renchérit en pointant son index sur le bas de ma gorge.

- Tu devrais savoir que la grande Ayleen Cartek ne titube jamais ! L’équilibre, c’est mon point fort je ne tombe jamais. Et à cause de toi j’ai perdu contre Gab !

Ce dernier est revenu sur ses pieds et nous observe en riant. La situation a l’air de l’amuser, et visiblement les autres lycéens aussi. Ce n’est que maintenant que je prends conscience que je suis au centre de l’attention, qu’ils ont les yeux rivés sur moi et surtout qu’ils se moquent. Oh non… ça ne va pas recommencer ? Dès le premier jour des cours je me fait remarquer…

Immédiatement, une sonnerie retentit et les élèves commencent à se disperser. Alors que je me détourne d’Ayleen pour entrer dans ma classe, elle me retient par l’épaule.

- Hep, je n'en ai pas fini avec toi. C’est quoi ton nom ? Histoire que je me rappelle à cause de qui j’ai perdu.

- Belladona…

Ayleen est surprise, comme chaque personne à qui j'apprends mon prénom et s'exclame :

- Sérieux ? C’est quoi ce nom à rallonge… en plus c’est pas le nom d’une fleur ce truc ?

Si, je porte le nom d’une fleur mortelle, qui servait à l’époque à empoisonner les gens en quelques minutes à peine. Je ne prends pas la peine de répondre et lui tourne le dos afin d’enfin rejoindre ma classe. Derrière moi, j’entends Ayleen soupirer et partir, elle aussi. Je la connais à peine, mais je ne l’aime pas du tout.

***

J’ai réussi à soigneusement éviter Ayleen et sa bande toute la semaine et je finis par penser que finalement, je vais passer une bonne année ici. Mes professeurs sont pour la plupart sympa et même si je ne me suis pas encore fait d’amis, je me sens bien ici. Personne ne me pointe du doigt en rigolant, personne ne me fait tourner en bourrique, on ne m’affuble pas de surnoms ridicules… 

Quand la sonnerie retentit, je pousse un soupir. Je n’ai pas envie de quitter mon cours, l’art m’aide tellement ! Alors que je range avec lenteur mes affaires, la prof se dirige vers moi, le sourire aux lèvres. Je m'interromps pour l’écouter. 

- Tu as une minute, Belladona ?

- Oui, bien sûr. Mais je vous en prie, appelez moi Dona, c’est plus rapide, et c’est comme ça que tout le monde m’appelle. 

Elle sourit de plus belle et hoche la tête.

- Je vais être honnête avec toi, Dona, je trouve tes créations très… intéressantes. Émouvante, aussi, tes messages sont clairs et j’aime beaucoup ton style artistique. 

Je ne refoule pas mon sourire et la remercie, sans toutefois la regarder dans les yeux. Elle continue : 

- Que dis-tu de participer à un concours de peinture sur le thème de la liberté ? Une amie à moi organise ce concours dans deux semaines. Il y a déjà de nombreux inscrits mais je pense sincèrement que tu as plus de talent qu’eux. Alors, ça t’intéresse ?

Le souffle court, je fixe madame Lombard, les mots suspendus dans l'air. Participer à un concours de peinture sur la liberté ? L'idée me frappe comme une éclaircie inattendue dans ma vie quotidienne rythmée par les cours, les devoirs et les préoccupations adolescentes.

Je me remémore les moments passés à peindre, à mélanger les couleurs sur ma palette, à créer des paysages imaginaires et à donner vie à des émotions sur la toile. L'art a toujours été mon refuge, ma façon de m'évader du tumulte du lycée et de l'angoisse de grandir. Et maintenant, voilà cette chance qui se présente, une opportunité de montrer au monde ce que je ressens, de partager mon interprétation de la liberté à travers l'art.

Madame Lombard me sourit, une lueur d'excitation dans les yeux, comme si elle croyait sincèrement en mon potentiel artistique. Elle est prête à me soutenir, à me guider, à m'encourager tout au long du processus. Mon cœur bat plus fort d'anticipation.

- Je suis partante, dis-je enfin, un sourire naissant sur mon visage. Je vais le faire.

Elle me tend une brochure avec les détails du concours, les règles et les dates limites. Je la prends avec gratitude, sachant que ces prochaines semaines seront remplies de créativité, de défis et d'émotions.

Le chemin qui m'attend est parsemé de toile vierge, d'idées en constante évolution, de décisions artistiques cruciales. Le thème de la liberté est vaste, complexe, et il m'invite à explorer ses multiples facettes. J'imagine des oiseaux s'envolant vers l'horizon, des chaînes brisées, des mains ouvertes vers le ciel, et je me demande comment je vais capturer cette essence sur ma toile.

Au fond de moi, je sens une énergie nouvelle, une détermination à exprimer ma vision du monde. Le concours est dans deux semaines, mais chaque instant est une étape de ce voyage artistique. Je suis prête à me plonger dans cette aventure, à laisser mes pinceaux danser sur la toile et à laisser mes émotions se répandre dans chaque coup de pinceau. La liberté, je vais la peindre avec mon âme, et j'espère que le monde la ressentira à travers mon art.

Quand madame Lombard me libère, elle me confie les pots de peintures à moitiés vides que je dois aller rincer aux toilettes. J'attrape les bocaux avec précaution, chacun représentant une nuance de bleu, de vert, et de violet que j'avais utilisée pour mon projet artistique. Mes mains tremblent légèrement alors que je traverse le couloir bondé de monde en espérant que personne ne me bouscule. 

Malheureusement, derrière moi, deux personnes se poursuivent et l’une d’elles me heurte. La catastrophe se passe alors en très peu de temps. Dans ma chute, je sens la peinture se renverser, sur moi, le sol et une élève en face de moi. Je n’ai pas le temps de voir le visage de la victime que je m’étale dans un fracas épouvantable. Quand je rouvre les yeux, que j’avais fermé par automatisme, j’entends le cri de rage d’Ayleen. 

- Oh, mon dieu, mon pantalon neuf ! Purée, c’est encore toi… saleté de nouvelle élève, tu vas me le payer !

Le temps que je réalise que c’est sur Ayleen que je suis tombée avec ma peinture et que son pantalon blanc ne l’est plus, cette dernière se jette sur moi et me donne une gifle qui brise le silence. 

La douleur m'envahit, non pas tant à cause de la gifle elle-même que de la réalisation brutale de ce que je venais de faire. Les pots de peinture s’étaient écrasés sur le sol, éclaboussant nos chaussures, nos vêtements et les murs à proximité.

Les autres élèves qui étaient présents dans le couloir sont témoins de la scène. J’en vois quelques-uns nous prendre en photos en chuchotant, créant un tumulte instantané. Madame Lombard se précipite vers nous, les yeux écarquillés d'étonnement. Je crois aussi percevoir une lueur d’amusement. 

Ayleen, furieuse et à présent colorée de toute part, de ses chaussures à ses splendides cheveux bruns, me fixe avec colère. 

- Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?! hurle-t-elle. Tu sais combien m’a coûté cette chemise ? 

Elle est toujours au-dessus de moi, glissant dans la peinture. Décidément, à chaque fois que nous nous croisons, c’est par terre, elle sur moi. Je reste sans voix, la gorge nouée par la confusion et la culpabilité. J'essaie de balbutier des excuses, mais les mots s'échappent de ma bouche de manière incohérente.

- Je… je suis… enfin je ne voulais pas… la peinture part à l’eau… si tu veux… euh…

Madame Lombard intervient enfin, aidant Ayleen à se relever. Elle tente de calmer la situation, mais les dégâts sont faits. Les autres élèves gloussent et chuchotent, transformant le couloir en un chaos de rires étouffés. Ayleen a beau être retenue par ma professeure, elle me hurle dessus et tente de m’atteindre. Mais je reste à l’écart, consciente que sans madame Lombard, Ayleen m’aurait rué de coups. Rapidement, une surveillante intervient. Elle est rouge de colère lorsqu’elle nous voit et son regard s’attarde sur ma joue. Sans doute doit-elle être verte, de la même couleur que la main d’Ayleen qui avait glissé dans la peinture. 

- Vous deux ! Immédiatement dans mon bureau ! 

Elle me quitte des yeux et s’adresse désormais aux élèves, toujours en train de nous fixer, certains légèrement éclaboussés de peinture.

- Quant à vous, allez en cours ! ce n’est pas un spectacle, si vous voulez vraiment rester dans ce couloir, alors occupez vous de laver les sols !

Evidemment, ils se dispersent tous et j’entraperçois le dénommé Gabriel qui faisait l’équilibre avec Ayleen le jour de la rentrée. Il me jette un regard noir et s’attarde sur Ayleen qui usemble s’être calmée. Elle ne le regarde pas, son regard est fixé sur le mien et malgré les quelques mètres qui nous séparent, je sens sa haine me frapper en plein coeur. 

Madame Lombard a lâché Ayleen qui marche calmement dans la direction de la surveillante qui, je crois, s’appelle Madame Offan. Ma professeure me regarde, son indétrônable sourire tente sûrement de me rassurer. 

Quand Ayleen passe devant moi, j’en profite pour m’excuser, cette fois de manière plus cohérente. 

- Ayleen… je suis désolée, ok ?

Et je ne peux m’empêcher d’ajouter : 

- Mais tu sais, ce n’est que de la peinture, ça doit partir à la mach…

- Cállate, Zorra !

Je reconnais l’accent espagnol et si mes souvenirs sont bon, cállate signifie “ferme la”. Mais Zorra, est un mot que je ne connais pas, même si je suppose qu’il s’agit d’une insulte. 

Nous suivons donc Madame Offan et je prie intérieurement pour échapper à une sanction. Quand nous nous installons, le regard froid de la surveillante me heurte. Elle me fait penser à toutes les directrices méchantes des dessins-animés, celles avec des chignons serrés et des lunettes rectangulaires, comme dans “Princesse Sara". D’une voix aussi glaciale que je l’imaginais, elle prend la parole. 

- Pouvez-vous m’expliquer ce qu’il s’est passé ?

Immédiatement, je lui réponds de la voix la plus douce que je puisse prendre : 

- Je devais rincer et nettoyer des pots de peinture pour Madame Lombard mais quelqu’un dans le couloir m’a bousculé et je suis tombé sur Ayleen qui a été… éclaboussée par la peinture. Voilà ce qu’il s’est passé. 

- Bien. Je l’avais deviné. Ce que je veux savoir, c’est pourquoi tu as une trace de main verte sur la joue et pourquoi Ayleen semble avoir attrapé la rage. Vous ne pouvez pas régler vos différents autrement ?

Cette fois, c’est au tour d’Ayleen de parler. 

- Elle l’a fait exprès ! je l’ai vu, personne ne l’a poussé, elle a fait exprès de tout me renverser à la figure. Je me suis donc défendu ! 

La surveillante la coupe d’un geste de la main et me regarde. 

- C’est vrai, ce qu’elle raconte ?

Du coin de l’oeil, je capte le regard assassin d’Ayleen. Son regard parle à sa place. Il me dit clairement de confirmer ses dires. Alors j’opine à contrecœur. La surveillante esquisse une moue que je ne peux traduire et s’adresse à nous. 

- Bien, Belladona tu seras donc sanctionné. 

Ayleen esquisse un sourire satisfait et une envie soudaine de lui ôter cet air arrogant me prend. 

- Mais Ayleen, tu seras aussi punie. Tu n’avais en aucun cas le droit de la frapper. Par conséquent, mercredi après-midi je vous attendrai à la bibliothèque à 14 heures. Pendant quatre heures, vous rangerez et nettoierez entièrement la bibliothèque. 

Alors que le visage d’Ayleen se décompose, le mien tente de réprimer un sourire ravi. Et pourtant, mon sourire se hâte de disparaître quand je comprends ce qui nous attend. Je vais passer quatre heures d’affilée seule avec la fille qui me déteste. Est-ce que je vais y survivre ?

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